La « guerre » contre le coronavirus entame sa troisième semaine. Chaque jour qui passe est une nouvelle bataille pour les familles qui perdent un proche, pour les soignants qui se démènent à l’hôpital, pour les parents qui télétravaillent tout en faisant l’école, pour les entrepreneurs et les salariés qui luttent pour sauver leur entreprise.
Pour l’assurance, secteur essentiel pour l’économie, la priorité est de rester au plus près de nos assurés en maintenant la continuité de nos services. Avec ou sans confinement, les sinistres sont là… 90 % de nos entreprises sont aujourd’hui en travail à distance et donc en capacité de continuer à protéger leurs clients et de les conseiller. A la crise sanitaire s’est greffée aussi une crise économique et les assureurs, en tant que porteurs de risques, sont évidemment impactés. La baisse de l’activité, la hausse des frais de santé et de prévoyance liée à l’épidémie, la recrudescence de certains sinistres comme les vols vont peser très lourd. Il y a aussi la chute brutale des marchés, qui va impacter les placements qui garantissent nos engagements à l’égard de nos clients.
Face à cela, notre objectif est de protéger avant tout nos assurés et leur épargne. Les assureurs français ont abordé cette crise en étant solides : la crise va les toucher mais ils sont armés pour faire face à tous leurs engagements contractuels.
J’entends que beaucoup s’interrogent sur notre rôle dans cette crise et nous demandent d’aller très au-delà de ce à quoi nous nous sommes engagés dans nos contrats et qui a servi de base au calcul des primes. Les assureurs ne peuvent hélas pas faire de miracle avec l’argent qu’on leur a confié. Les autorités d’assurance européennes et américaines viennent d’ailleurs de le rappeler : « obliger les assureurs à couvrir rétroactivement des risques non couverts dans leurs contrats exposerait le secteur à des risques d’insolvabilité qui fragiliseraient la protection des assurés, la stabilité des marchés, et aggraverait in fine la crise actuelle ». Il est donc indispensable que les assureurs tiennent le choc sous peine d’aggraver considérablement la crise actuelle.
Les pertes d’exploitation des entreprises françaises dues au confinement vont sans doute se chiffrer à des dizaines de milliards d’euros, somme qu’aucun acteur à part l’Etat ne peut supporter seul. C’est pour cette raison que l’assurance n’intervient jamais en cas d’épidémie, de révolution ou de guerre car les conséquences de tels événements sont tout simplement hors de portée. Le principe de l’assurance, c’est la mutualisation : elle fonctionne quand elle peut répartir un risque entre ses assurés, c’est-à-dire utiliser les primes du plus grand nombre qui n’est pas touché pour indemniser ceux qui subissent un sinistre. Chose évidemment impossible dans le cas d’un événement qui touche tout le monde en même temps et de plein fouet…
Malgré cela, et pour tenir compte de la situation dramatique que nous constatons tous les jours sur le terrain, les assureurs ont annoncé des mesures de solidarité exceptionnelles en faveur de nos compatriotes les plus touchés, à savoir les TPE, les artisans, les commerçants, les travailleurs indépendants et les personnes fragiles. Les assureurs continuent à garantir normalement les contrats des TPE qui auraient des difficultés à payer leurs cotisations durant le confinement et reporteront les loyers des TPE et des PME en difficulté. Pour les femmes enceintes et les personnes en affection longue durée placées en arrêt maladie, selon la nouvelle procédure de la Sécurité sociale – c’est-à-dire sans être déclarées malades -, les assureurs prennent aussi en charge leurs indemnités journalières dans la limite de 21 jours, alors même que cette situation n’est pas couverte par les contrats. Enfin, ils se sont engagés à alimenter à hauteur de 200 millions d’euros le fonds de solidarité mis en place par l’Etat en faveur des petites entreprises en crise. Nous sommes aujourd’hui le seul secteur d’activité à y avoir contribué. A ces mesures générales, il faut ajouter aussi toutes les actions de solidarité prises individuellement par les assureurs : don de centaines de milliers de masques, financement d’hôpitaux et de la recherche à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros, assistance scolaire et soutien psychologique gratuits, plateformes d’entraide etc.
Au total, si l’on prend toutes ces mesures et les effets directs de la crise, l’impact pour l’assurance se chiffre déjà à plus de 3 milliards d’euros.
La solidarité sera essentielle pour sortir de cette crise mais elle ne suffira pas à réparer toutes les conséquences du coronavirus. L’assurance française a beau être l’un des systèmes les plus protecteurs au monde, nous voyons bien aujourd’hui que les mécanismes de protection classiques sont insuffisants pour faire face à de telles crises. L’assurance ne peut pas se substituer à l’Etat. Elle peut, en revanche, faire preuve de responsabilité dans la mesure de ses capacités – ce qu’elle fait déjà – et être force de proposition pour l’avenir.
Si nous voulons anticiper de nouvelles crises comme celle-ci, nous pouvons réfléchir dès à présent aux bases d’un régime de type assurantiel qui permettrait de couvrir des catastrophes sanitaires de très grande ampleur. Mais ne nous y trompons pas, les assureurs ne pourront pas couvrir seuls de tels événements et ce régime devra s’appuyer sur un partenariat avec l’Etat. C’est pourquoi la FFA a décidé dès aujourd’hui de lancer une réflexion pour faire des propositions aux pouvoirs publics en ce sens.
Florence Lustman, présidente de la Fédération Française de l’Assurance